Handicap (trisomie) et changement

Publié le par Jaz

 

ArtVoeux       VOEU ?

 

    "La joie pour les autres"

 

 

En cette nouvelle année 'Quel voeu pour faire changer les choses?'

'Qu'est-ce qui pourrait changer?'

 


 

Ai-je bien entendu cette première réponse à mi-voix (réflexe?) d'ARTUS:

  "QUI JE SUIS"

 

Il se tait, je le relance:

'Changer quoi?' 

 

Changer, c'est pour les gens malheureux

'Pourquoi sont-ils malheureux?

- On a soif, faim

- La guerre aussi

- La catastrophe:

Tsunami

tremblement de terre

incendie

tornade

ouragan

tempête de neige

 

1989 ça c'est la date qui convient à moi (son année de naissance):

tremblement de terre au Japon

mur de Berlin détruit

Je commente: 'du bon et du mauvais' 

Plus de bien et moins de mal 

'Berlin?'

Hitler il fait du mal aux handicapés

Pas refaire les erreurs du passé

J'aime pas S* (le président),

il traite les handicapés

plus de pauves

plus de malheureux

après les guerres , pas normal. 

'Comment sais-tu tout ça?'

Les informations

i sont morts de froid, j'aime pas ça 

...je suis tombé sur la glace. ça glisse, après je tombe.

Je préfère la vie éternelle

 

Je lui demande alors:' la vie sur  terre, comment tu voudrais qu'elle soit?'


Comment faire un dessin là-dessus?

"La joie pour les autres" Il l'écrit sur la feuille devant lui.

Et il se met à nommer ce qu'il dessine (voir le dessin ci-dessus)

- soleil

- les oiseaux, ça c'est beau ça, et les plusieurs oiseaux ...

Je l'arrête craignant une stéréotypie: 'qu'est-ce qu'il y a d'autre?'

- bonhomme

Il commence à dessiner schématiquement un bonhomme en bas puis complète à côté, en remontant...

'Comment on sait qu'ils ont la joie?'

- ils seront heureux sur terre

'Est-ce que tu peux les faire parler pour'... (me coupe)

- non non non

Et il se met à dessiner à droite une grande table qu'il efface.

Il la remplace par un arbre, puis un autre symétriquement par rapport aux bonhommes: un à droite puis un à gauche, 3 fois, puis là où il y a de la place avec le commentaire:

- les arbes, euh l'hebre

- et c'est tout

Je lui propose des couleurs?

- ça va c'est bon.

Une discussion s'engage sur ce qu'on va faire

- pas d'ordinateur

- à cause de mon état que je suis: abîme les yeux.

- pas envie d'apprendre plus

Rien ne l'intéresse

 

'Qu'est-ce que tu aimes faire?'

Il n'entend d'abord que "aime"

- mes parents

puis

- écouter musiques, mots mêlés, puzzles 

Il monte alors sur le vélo d'appartement et je l'encourage: montre moi comme tu sais faire:

- parce que moi, j'ai la bonne santé.

 

Discussion

Le contexte

  Un bref retour en arrière est nécessaire. Nous nous étions "fâchés" à plusieurs reprise le mois précédant les vacances.

Nous avions parlé de ce qu'il reprochait à son frère qui injurie sa mère en arabe, il est moraliste et fait tout bien, comme pour son intégration sociale (liste à la mairie) et j'ai enchaîné sur la question de quitter papa/maman et donc celle de son avenir.

"J'ai un comportement d'adulte" me dit-il ensuite. Dans autonomie, il y a gagner sa vie. Son copain a parlé de 300 euros par jour de travail! Nous calculons, depuis la somme totale, le nombre de jours de travail effectifs... Il ne peut faire les opérations que cela implique. Il est tellement contrarié qu'il oublie de venir la fois suivante. A la dernière séance de l'année, il revient avec le cadeau traditionnel (il le fabriquait plus jeune), nous analysons ce qui s'est passé: ni crier, ni taper, mais parler et il commence un autoportrait. Un premier est raté, je dis 'à la poubelle' 'tourner la page' comme pour notre "dispute".  

Le jour de la rentrée, la page était censée être tournée mais comment faire pour l'aider à progresser? Je ne savais que lui proposer et j'ai sauté sur l'échange de voeux traditionnel pour ouvrir un dialogue où il puisse s'"exprimer".

Que nous apprend-il sur lui-même avec l'étayage dialogique?

 

Artus est capable d'une réflexion sur ce qui est négatif dans le monde grâce aux informations qu'il suit à la télé, son bon sens étayé sur les discussions familiales qui le guident. Il m'a cependant étonnée en évoquant une année importante pour lui, celle de sa naissance

(ne m'a-t-il pas donné la date de la mort du père de Mozart à notre première rencontre, alors qu'il ne pouvait encore lever la tête pour me regarder!)

et la connaissance de ce qui l'a marquée à l'échelon mondial.

S'il a commencé par se référer aux éléments naturels pour parler de catastrophes, il est ouvert à la culture de sa société d'appartenance, au delà d'avoir accès à ses symboles,

tout comme Lucas dans le jeu symbolique de "la maison" où l'on voit les sources de l'agression passer de nature à culture

car il a une opinion politique qu'il n'hésite pas à justifier.Il utilise même des formules particulièrement bienvenues (en italique) pour évaluer les faits, qui, si elles sont convenues, ne ferment pas pour autant son discours, par le déplacement dans le temps (d'Hitler à S*) qu'elles suscitent.

Un exemple d'informations l'a particulièrement  ému, et induit un fonctionnement différent, l'évocation d'une expérience vécue, en passant du froid qui a fait mourir certains, à la glace sur laquelle il a glissé.  Il se "récupère" en quelque sorte, en évoquant ce que nous avions élaboré au temps de son adolescence dans notre travail sur le temps, le réconfort de l'au-delà.

Je tente de le ramener sur terre en lui demandant d'exprimer un voeu. Une première réponse est écrite, le dessin viendra l'illustrer puisque c'est grâce à lui que nous avons pu sortir du concret/familier, et des modalités de composition de ses dessins habituels

Un effet de l'étayage dialogique?

Le passage de la verbalisation au dessin l'aurait aidé à ouvrir son esprit à un imaginaire qui lui permette de sortir de ses idées préformatées qui le rassurent qui va l'amener à réaliser un dessin d'une autre façon, comme s'il s'y manifestait une composition thématique.

Le dialogue aurait aussi aidé à trouver une entrée pour retrouver une finalité à nos rencontres: comment le faire progresser sans que la sollicitation à réfléchir soit trop directe?

En effet, grâce à cette évocation des mots fléchés dans les activités qu'il aime, nous avons suivi la piste des mots croisés, support d'un "travail métalinguistique" dans tous les champs possibles !!!

 

NB La discussion concernant le dessin proprement dit sera dans le prochain article.

 

.

Publié dans Handicap

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article