Expression et handicap

Publié le par Jaz

Yann déclaDéveloppement psycho-affectif et expression symbolique d'un jeune trisomique

 

Yann, trisomique de presque 16 ans, en IMPRO maintenant, a rencontré l'amour. Il n'a pas le comportement attendu d'un adolescent trisomique. Il est resté "enfant". Où sont ses traits d'autisme? Il y a bien sûr cette stéréotypie qui revient dès qu'il y a de la musique et qu'il danse, à sa façon... derviche balanceur au lieu de tourneur en quelque sorte.

 

Mais il semble heureux, souriant, un peu envahissant dans son affection pour les autres... et ne lâche pas son surinvestissement des pokemons. S'il parle ce n'est pas non plus de la façon attendue.


[Je me souviens de Juju (IMC) qui était si heureux de vivre (témoignage du chauffeur de taxi), et a du passer par une dépression en 5e (épreuve de réalité) quand il a rencontré la parole d'un médecin "que va-t-il pouvoir faire avec ce qu'il a"! Je ne l'avais pris que de 3 ans à 5 ans;6 mais il était confiant, avait foi en lui-même. Il présentait lui aussi des traits d'autisme mais était entré dans le langage dans toutes ses fonctions]


Yann était entré dans le langage à sa façon, il ne parlait toujours pas mais

- l'évolution de ses dessins l'année de sa prise en charge (9 ans) avait montré son évolution dans sa relation au monde qui l'entourait,

- le jeu symbolique avec été un déclencheur pour le sortir des activités stéréotypées de type puzzle et introduire de la "signifiance" (qu'on me permette ce néologisme) et des cadres... pour contenir une impulsivité débridée et la difficulté à le contrôler.

 

Puis il s'est mis à parler... de mieux en mieux, de lui-même, même si les mots sont souvent encore "bousculés" et, le plus souvent, raccourcis.

 

Peu après les vacances de Noël et la transmission d'un commentaire du centre où, à 16 ans, il entre dans la vie active, commentaire sur son manque de maturité, je décide de m'atteler à ce retard de développement, même chez un trisomique, hésitant sur l'activité à lui proposer pour l'y amener.

 

Justement, ce jour là, Yann se précipite dans le bureau et recherche "ses" pokemons qu'il avait remis en place la fois précédente au lieu de les emporter comme il tentait de le faire dans les temps anciens. A notre grand étonnement, lorsque sa mère et moi, intervenons d'une seule voix, pour lui refuser ce choix d'activité, il réussit à ouvrir l'armoire et cherche dans les livres.... choisit PINOCCHIO! sur lequel il tombe sans que nous ne soyons intervenues...

 

On ne peut rêver mieux comme livre initiatique (cf. Karine, "Du déclic"). En effet, il s'intéresse de plus en plus aux "histoires" dans les jeux proposés. Tibili et la scène où la maison des anciens est détruite par un éclair, lui plait tout autant que l'histoire de Peter Pan dont je lui ai passé le CD, avec celui de Pinnochio (pas encore utilisé ensembles) pour s'occuper en faisant les jeux proposés pendant les vacances...

 

Nous commençons donc l'histoire, discutons autour des personnages, les nommons, en particulier Gimminy et je glisse qu'heureusement, il est là pour aider Pinnochio à ne pas faire trop de bêtises... lorsqu'il s'anime grâce à la fée...

 

Et nous passons à l'ordinateur. C'est alors que sa mère me parle de ce dessin qu'il a fait pour le remettre à une de ses camarades. Au recto de la feuille, un coeur transpercé! Où a-t-il appris ce symbole? Il n'a donc pas les yeux dans sa poche et "capte" tout, tout comme Artus qui était tombé amoureux au même âge d'une adolescente de son âge, dans une colonie d'entreprise où il était totalement intégré.

 

La comparaison s'arrête là. Artus disposait de l'écriture, le langage avait pris sens et il lui avait écrit... Artus avait ensuite continué à grandir, ayant fortement intériorisé le fait que s'il pouvait aimer, il ne pouvait passer à l'acte. Nous avions eu plusieurs séances et il avait réalisé plusieurs dessins qui lui avaient permis d'exprimer ses désirs et de les faire évoluer vers la réalité de sa situation d'handicapé.

 

Il ne m'est pas possible de "parler" ainsi avec Yann, de pratiquer cette forme d'étayage, je ne peux que renforcer les cadres que posent ses parents en encourageant certaines activités. Il semble que ces histoires peuvent nous aider à faire passer un message sur la nécessité de "grandir". Il y avait eu l'ouverture au "jeu symbolique" avec le scéno-test. Il y avait eu la première histoire qu'il ait bien voulu écouter, à laquelle il revenait souvent jusqu'à mémoriser certains passages en les accompagnant vocalement comme il pouvait: Petit ours brun va au marché avec son papa et se perd, une dame le console jusqu'à ce qu'ils se retrouvent. C'était au moment où il commençait à exprimer ses émotions: il s'était jeté dans mes bras en me disant un peu déformé mais identifiable, "je suis content de te voir, Jacqueline", alors qu'il ne disait jamais rien d'autre qu'un bonjour conventionnel, baragouiné en quelque sorte.

 

Mais il ne faut pas rêver. Il a amorcé un processus en choisissant ce livre mais ne l'a pas repris les fois suivantes. Il sera peut-être possible de relancer le thème avec la petite histoire simplifiée du CD, quand il aura été retrouvé. A suivre donc!

 

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